samedi 9 août 2014

Noé & Amanaket, 3ème partie

Noé et Amanaket

Et voici l'article programmé comme dit dans la seconde partie!

Voici la troisième partie...



Le lendemain était un jour ensoleillé. Noé et Amanaket marchaient dans la neige. Noé avait fini par obtenir l’autorisation de sortir et Amanaket l’accompagnait. Les deux garçons cheminaient en silence. Le garçon d’en-haut suivait celui d’en-bas sans poser de question. Ils marchaient dans une espèce de désert animal et végétal. Le paysage autour d’eux était blanc. Simplement blanc. Mais d’un blanc violent, éclatant. Un blanc qui frappe et humilie dans sa splendeur, qui blesse dans son éclat, qui isole dans son uniformité. Amanaket se sentait mal à l’aise dans ce paysage sans variance.
-                Noé ? on va où ? … Noé ?
Il ralentissait et trainait derrière Noé, qui ne s’arrêtait pas. Noé serra les dents et continua de marcher sans répondre, attentif autour de lui. Il devait chasser. D’abord. Et il n’avait pas envie de discuter avec Amanaket pour qu’il lui dise des bêtises sur l’existence d’un autre sexe dans la même espèce que l’Homme.
-                Noé… ?
Noé inspira agacé. Il lâcha à voix basse :
-                Tais-toi !
Surpris par ses propos, il pila. Il ne voulut pas se retourner, mais il devinait sans peine le sourire qui s’étalait sur le visage d’Amanaket. Il était énervé. Il s’était laisser entrainer, corrompre par l’étranger en six jours à peine. Il venait d’utiliser l’autre langage. Et quelque chose avait parcourut son corps, était remonté de son cœur jusqu’à ses lèvres, et avait projeté ces mots. Sans autre forme de cérémonie, il reprit sa marche, d’un pas plus rapide.
Une heure s’écoula ainsi. Soudain il s’arrêta, étendant son bras pour stopper son camarade.
-                Il y a quelque chose pas loin. Je vais voir ce que c’est…
-                Excuse-moi, mais tu sais où l’on est ? murmura Amanaket.
-                Pourquoi ?
-                Parce qu’on est déjà passé par-là. Y’a nos traces de pas…
-                Non, je ne sais pas trop, avoua Noé après avoir vérifié ses dires. Nous n’avons pas trop le droit d’aller de ce côté, normalement.
-                D’accord… c’était juste pour savoir. Vas-y, chasse. Je reste à l’arrière.
En quelques secondes, Noé prit plusieurs mètres d’avance sur Amanaket. Ils se trouvaient sur une crête qui dominait un lac gelé. S’il n’était pas obligé de chasser, Noé se serait assis et aurait contemplé ce grand miroir jouer avec la lumière du soleil. Mais il ne le fit pas. Une biche cherchait des herbes d’hiver, au pied de petits buissons qui poussaient même au plein cœur de l’hiver. Le nez dans la poudre blanche qu’elle fouillait, elle ne le sentait pas venir. Noé sortit son arme, un pic acéré enduit d’une sorte de poison qu’il devait planter dans le corps de l’animal et glissa encore plus silencieusement vers l’animal. Il ne se trouvait plus qu’à quelques pas de celui-ci. Il pouvait voir sa peau se tendre sur ses côtes et la neige tressautait à chaque respiration. Il allait se jeter sur sa proie quand elle releva la tête. Une lueur de douleur éclaira ses yeux avant qu’il ne s’éteigne. Le corps bascula  au pied de Noé.
-                Joli coup ! constata Amanaket en le rejoignant.
-                Ce n’est pas moi… murmura-t-il.
Il s’agenouilla au côté du cadavre et passa sa main sur le poil épais et rêche de l’animal. Il lui flattait l’encolure en geste d’adieu du bout des doigts, quand ceux-ci rencontrèrent un objet dur, prit dans les poils. Il essaya rapidement de le retirer, en regardant inquiet les alentours. Il devait y avoir un chasseur dans le coin. Amanaket le rejoignit. Pendant qu’il s’escrimant d’une main à récupérer ce qu’il identifia comme un morceau de métal, il fit signe à Amanaket de s’agenouiller à côté de lui, tout en surveillant l’horizon. Quand il fut à sa hauteur, il lui murmura :
-                Nous ne sommes pas seuls. Je n’ai pas tué cette bête, elle a été la victime de quelqu’un d’autre…
-                Ha bon ? et qu’est-ce qui te fait dire que… ?
Noé venait de dégager un petit morceau de métal recouvert de sang et il l’exposa sur sa paume ouverte. A côté de lui, Amanaket ouvrit des yeux ronds.
-                C’est… ?
-                Viens, nous devons nous en aller ! déclara Noé en se relevant.
-                Trop tard.
Un contact froid dans sa nuque et la voix, étrangère, porteuse d’une mélodie inconnue mais stricte, l’arrêta. Il se figea en plein mouvement, les genoux pliés. Une main se posa sur son épaule et le força à se retourner. Il ne vit de l’autre chasseur qu’un visage caché par un tissu et des peintures bleues.
-                Pas de mouvements brusques, pas de fuite, ou tu finis comme elle.
Noé hocha la tête. Pas de mouvements sinon, il finirait comme la biche. L’autre s’éloigna un peu et fit la même mise en garde à Amanaket. L’autre portait une sorte de combinaison moulante, bleue et blanche. Un bâton était pendu à son épaule et un couteau brillait dans sa main. Mais Noé ne regarda pas la tenue particulière ou les armes du chasseur, mais sa physionomie. Le chasseur avait une poitrine plus épaisse, arrondie que lui, un corps aux formes plus marquées, plus fines.
-                Qui êtes-vous ? murmura-t-il.
-                Où est passé ta politesse ? est-ce comme ça qu’on s’adresse à une déesse de la glace ? fit-elle, cassante et hautaine.
Malgré la gravité, Amanaket sourit à Noé.
-                C’est une fille !
L’attention de leur agresseur se tourna vers celui qui venait de parler.
-                Tu n’es pas d’ici, constata-t-elle.
-                Tu es donc bien une fille ! Noé, je te l’avais dit ! elles existent !
Une lueur de joie transparaissait sur son visage et dans ses exclamations.
-                Mais… balbutia Noé.
-                D’où es-tu, étranger ? demanda la fille en pointant son bâton vers Amanaket et plaçant sa bouche dans une encoche située à mi-hauteur.
-                De là-haut !
Amanaket pointa le ciel du doigt en gardant un air très calme. Il avait l’air sûr de lui et dégageait une aura de force, de solidité et de tranquillité qui toucha profondément Noé.
-                Je viens du ciel.
-                Tu n’es pas un dieu du ciel, pourtant. Tu ne leur ressembles pas.
-                A qui, je ne ressemble pas ? à un dieu ? c’est normal. Je n’en suis pas un. Pas plus que tu es une déesse. Tu es une humaine.
-                Peut-être… que fais-tu là ?
-                Je suis tombé. Mais… as-tu déjà vu des … « dieux du ciel » ?
-                …Oui, hésita la créature.
-                Tu pourrais baisser ton arme, s’il-te-plait ? je ne t’attaquerai pas, promis-juré !
-                 Je ne comprends pas ta formule, mais je te crois. Asseyons-nous.
Noé suivit le mouvement et s’assit dans la neige froide. Tout lui semblait surréaliste. L’apparition de cette déesse qu’Amanaket prétendait être humaine, le dialogue envoutant, porté par des voix qui avaient cette chaleur qui dénudait celle des habitants de la Ville, et maintenant, ils s’asseyaient à côté d’une biche morte pour discuter, sous la menace sous-jacente des armes.
-                Je m’appelle El’amélléa. J’appartiens à la Ville de Lu’th. Je suis du clan Icessa, fille d’ El’méanée et d’un homme de la Ville de Pa’ri.
Noé sursauta à l’énoncé de ce nom. Cette… créature connaissait sa Ville. Même, apparemment, elle avait été engendrée par un de ses habitants. Ce qui voulait dire qu’il y avait des contacts avec une autre Ville où vivaient des femmes et qu’il ne le savait pas.
-                Tu ne connais pas ton père ? demanda Amanaket.
-                Non. Des semences masculines nous parviennent de la Ville de Pa’ri et de d’autres Villes et nous leur fournissons des embryons. La Ville de Lu’th est la Ville féminine des environs. Elle a sous sa coupelle cinq Villes masculines… vous n’êtes pas au courant ?
-                Non. Je ne suis pas là depuis longtemps. Et mon ami Noé ne me croyait pas quand à l’existence des femmes.
-                Je pensais plus instruit, vu que vous saviez ce que je n’étais pas une déesse… murmura-t-elle.
-                Je viens du ciel, ne l’oublie pas. Alors comme ça, il existe une Ville exclusivement féminine qui fournit en enfants quelques Villes des environs ?
-                Je ne suis pas sensée divulguée les secrets de ma Ville si vous n’êtes pas des Instruits.
-                Des Guides, tu veux dire ? poussa Amanaket
Elle hocha la tête, plus fermée qu’auparavant.
-                Et tu … choisis celui qui va être le père de tes enfants ? non ? et si ton enfant est un garçon, vous en faites quoi ?
-                Quand on est en âge d’avoir un enfant, on va à la Fabrique. Là, ils nous donnent de quoi … procréer. Puis, huit mois plus tard, ils récupèrent l’enfant et le gardent là-bas. Tu ne sais pas ce qu’il devient. Les garçons doivent être envoyés dans les villes alentours, les filles sont par la suite élevées dans des Sections. … je ne devrais pas vous dire ça.
-                On ne dira rien. si le secret a tenu si longtemps, c’est que tous les Guides doivent faire en sorte qu’il ne s’ébruite pas. On a donc plutôt intérêt à se taire.
-                D’où tu viens…heu…
-                Amanaket.
-                D’où tu viens, Amanaket, tu connaissais les femmes ? je veux dire… vous vous voyez les hommes et les femmes ? fit-elle timidement.
-                Oui, plutôt ! tout le monde vit ensemble. Si un homme et une femme s’aiment, ils vivent ensemble, dans la même chambrée et ils font des enfants ensembles. Ils les élèvent eux-mêmes.
-                Mais… avant de tomber… tu vivais avec une femme ?
La voix d’El’amélléa était presque imperceptible, douce et chargée d’une véritable interrogation sans être indiscrète. Pourtant, à ces mots, le visage d’Amanaket devint sombre.
-                Non. D’un, je n’avais pas l’âge, de deux, je n’étais pas amoureux.
-                Ha…
-                Dis, El'amélléa, tu sais pourquoi les hommes et les femmes vivent séparés, ici ?
-                Pour éviter les persécutions que les hommes font subir aux femmes. Parce qu’ils ne respectaient plus la suprématie de la femme qui est de porter la vie. Ils ne respectaient plus leur caractère sacré qui les fait gardiennes de la vie. Les femmes se sont donc retirées dans des Villes immenses et cachées, qui contrôle des Villes masculines placées sous leur tutelle.
-                … tu as quel âge, El'amélléa ?
-                Dix-huit ans. Pourquoi… ?
-                A quel âge vous demande-t-on d’avoir votre premier enfant ? demanda-t-il d’une voix douce.
-                … vingt ans.
Elle se recroquevilla sur elle-même, les mains sur son abdomen comme pour le protéger.
-                Pourquoi n’as-tu pas été surprise en nous voyant ? continua Amanaket, toujours aussi gentiment.
-                Je… j’ai déjà vu … un homme, une fois. On a un peu parlé. Il m’a expliqué.
-                C’était un Guide ?
-                Il s’y destinait.
-                C’est votre enfant ?
La voix d’Amanaket s’était chargée d’une étincelle en plus. Quand Noé croisa son regard, il comprit qu’il était émerveillé, mais aussi jaloux. Sans qu’il sache pourquoi, le jeune homme ressentit un tiraillement à la poitrine, le même qui l’agitait depuis le début de la discussion, où il se sentait à part. Amanaket posa lentement sa main sur le ventre d’El'amélléa et une joie immense envahit son visage tandis qu’une douleur s’empara brièvement de son cœur.
-                Il bouge…



Voilà! 
A bientôt pour un nouveau passage

Bisous à vous 
Ange Lune

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