L’ESCALIER SANS FIN, ou JE SUIS
CLAUSTROPHOBE
Seule dans le noir. Seule. Noir.
Chaque mot que je pense se répercute dans ma tête comme un écho. Il n’y a aucun
bruit autour de moi. Je ne perçois même pas mon souffle que je sens sortir à
toute vitesse de ma bouche. Je suis tétanisée. L’immobilité me semble
insupportable. Je me sens incapable de bouger. Je… je ne sais pas, je ne sais
plus…
Je suis sur la première marche.
Je m’y suis traînée. Vacillante, je me remets debout. C’est étroit, trop pour
moi. Mes épaules frôlent les pierres. Je ne suis pas bien épaisse pourtant.
D’autres devraient passer de profil. Au moins, si je chancèle, je me
rattraperais. Après cette remarque ironique, je me décide et j’avance.
Les marches sont de grosses
pierres, polies par le temps. A chaque pas, mes bras effleurent les murs. Ce
frottement continue me stresse et me rassure à la fois. Je me sens à l’étroit,
mais au moins, je sais ce qu’il y a autour de moi, dans le noir complet. Mes
yeux ne s’habituent pas, cette fois ci. C’est pourquoi mon cœur fait un raté
lorsque je distingue la roche devant moi. Il y a de la lumière. La torche de
tout à l’heure doit être juste au dessus de moi. Je me dépêche, je veux
retrouver ce quelqu’un qui est presque à côté. Je trébuche, mais me relève à
chaque fois.
Je monte, tournant en rond dans
cet escalier sans fin. Je ne rapproche toujours pas de la lumière. Elle avance
au même rythme que moi. Elle reste suffisamment près pour que je puisse
distinguer là où je mets les pieds, mais je ne peux distinguer sa source. J’en
suis sûre, il n’y a personne. Je suis seule, vraiment seule, dans cet escalier.
Malgré tout, j’avance. Je monte
une marche après l’autre. Je sais ce qu’il y a derrière moi. Le noir, la
solitude. Peut-être que devant… mais ça n’en finit pas, toujours et
toujours des pierres, dans la semi-obscurité. Mon dos est trempé de sueur. Mon
cœur cogne violemment entre mes côtes. J’ai le sentiment d’étouffer, dans ce
lieu trop petit. Je suis opprimée, serrée entre des murs infinis, compressée
dans la roche. J’en viens à me demander si ce ne sera pas mon tombeau. Je suis
claustrophobe. Cet espace réduit me donne la nausée. Je veux de l’espace, de
l’air. Je veux retourner sur le toit de la tour, et contempler les étoiles à
l’infini. Mais je ne peux pas.
Un mur. Juste devant moi. Les
marches s’échouent contre lui. C’est une impasse. La goutte de trop. Je suis
perdue, coincée, dans cet escalier. Les larmes me piquent les yeux. Je les
laisse dévaler mes joues crasseuses. Mon nez coule. J’ai l’impression d’encore
plus étouffer. Je me retourne pour m’assoir sur les marches. Je me retrouve
face à un autre mur. Comment ? il n’y a plus les marches que je viens de
gravir. Seulement un mur de pierres, comme l’autre derrière moi. Comme ceux qui
m’enserrent les épaules. Je veux m’appuyer contre les pierres qui sont derrière
moi. Je crois que je vais tomber. Je trébuche en arrière et chute sur les
fesses. Je n’aurais pas dû pouvoir. C’était trop étroit pour que je puisse
faire un pas. Je retourne la tête, et je ne sais pas si je dois croire ce que
je vois.
A la place du mur, un palier.
Avec au bout, une porte. Une jolie porte, avec un heurtoir sculpté. Je me
relève, le cou tordu, n’osant pas quitter ce que je vois des yeux, de peur
qu’il ne disparaisse. Devant, il y a un paillasson, avec ‘’bienvenue’’ inscrit
dessus. Vacillante, je m’en approche, et je donne un léger coup contre le
panneau. Quelques instants plus tard, des bruits de pas se font entendre. Un
bruit de verrou, puis la porte s’ouvre. Face à moi, une femme, avec un tablier
et un foulard dans les cheveux. Elle me sourit et s’écarte, me faisant signe
d’entrer.
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